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Au delà de la page d'histoire, ce témoignage
est avant tout un hommage à André Forest (1914 -1989)

Né à Ranchal en 1914, père de 5 enfants, André FOREST était marchand de bestiaux. 
Madame Renée Forest, sa femme appréciée de tous, a longtemps été l'épicière de Ranchal.
Il était estimé et connu à « mille lieues à la ronde » avec son « tub » rouge.

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Il était tès actif dans diverses associations, entre autres pour le soutien aux anciens prisonniers, au souvenir des victimes de guerre et à l'association des donneurs de sang. Cette dernière a été créée après la seconde guerre mondiale. La Croix Rouge avait récolté et envoyé des milliers de colis aux prisonniers pendant la guerre, ceux-ci ont voulu rendre à l'humanité les dons reçus pendant cette période de leur vie si difficile. Ils ont souhaité donner leur sang pour sauver des vies et que ce don soit et reste absolument gratuit.
Le « tub » a donc servi, les premières années, à transporter les donneurs bénévoles de Ranchal au centre de collecte à Cours, puisque nombre d'entre eux n'avaient pas de voiture. Certains se souviennent encore qu'on y chantait pendant tous les voyages. Il a aussi pris une part active, avec le soutien d'autres Ranchalais, à l'érection du monument aux morts sur la place du village en 1980.
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Témoignage d' Alphonsine, sa fille.

 
 

Il y a 80 ans arrivait à Rawa-Ruska, en Ukraine, (à quelques kilomètres de la frontière polonaise), le premier convoi de prisonniers français. Rawa-Ruska, le camp ou notre père André FOREST a été interné. Fait prisonnier de guerre, il ne se résigne pas et entre en résistance par des sabotages et plusieurs tentatives d’évasion, hélas aucune n’ayant réussie, il a même été repris à la frontière française. Il était un résistant ne voulant pas se soumettre.

Ces « têtes fortes » furent envoyées le plus loin possible à l’est. Ce camp de Rawa-Ruska, stalag 325, était un camp disciplinaire pour punir et si possible dompter ces résistants. Il se situait dans le « triangle de la mort », cette immense zone d’extermination des juifs, où la convention de Genève n’a jamais été respectée, raison pour laquelle ce camp est méconnu. L’armée allemande avait repris à Rawa-Ruska un ancien casernement pour y regrouper les prisonniers soviétiques. 

Pour interner les Français il fallait de la place, les prisonniers soviétiques furent froidement exécutés.

Les prisonniers arrivaient après un long voyage très éprouvant de plusieurs jours, entassés dans des wagons à bestiaux, dans des conditions inhumaines. Au total, ce sont 20 à 25.000 prisonniers qui ont transféré dans ce camp, ou dans des sous-camps. 

Il n’y avait qu’un seul robinet, d’où son surnom de « camp de la goutte d’eau et de la mort lente », donné par W. CHURCHILL à la fin de la guerre. Les conditions d’hygiène étaient déplorables, beaucoup mouraient d’épidémie, typhus, typhoïde, de dysenterie ou de faim : les gardiens allemands distribuaient une boule de pain pour 35 personnes et les conditions climatiques étaient extrêmes avec des températures de -20° en hiver et de +30° en été. La discipline était redoutable, des fouilles interminables intervenaient jour et nuit. Aucun bâtiment n’était pourvu d’eau, de lumière, de chauffage, de latrines. Il n’y avait ni paillasse, ni paille, ni couverture, les hommes couchaient à même le sol ou sur les bat-flanc à 3 ou 4 étages, pieds nus, vêtus de haillons, aucun récipient pour boire ou manger, tous ces objets avaient été confisqués lors des fouilles. Des brimades quotidiennes étaient imposées aux détenus, envoyés au travail sous la menace de baïonnettes : pour du  terrassement ou pour creuser les fosses communes. 

Malgré tout, au sein même du camp, la résistance s’organisait. Par exemple, le 14 juillet 1942, après avoir confectionné un drapeau bleu-blanc-rouge en cachette, les prisonniers défilèrent en chantant la Marseillaise, et l’hymne de Rawa Ruska, « dans l’cul », qui traite Hitler d’avorton.


A la fin de l’année 1942, face aux revers de l’armée allemande en Russie, les prisonniers du camp ont été répartis dans des camps de l’est de la Pologne annexée. Pour la plupart, ils ont été libérés par l’armée russe et n’ont pu rentrer en France que tardivement, après l’armistice.

A son retour en mai 1945, notre père André FOREST était traumatisé par les sévices subis et les horreurs dont il a été témoin. Sa mère était morte alors qu’il était en déportation, il retrouve néanmoins la chaleur du nid familial, son frère Francis rentré de la guerre quelques jours avant lui. Et le 20 mai, jour de la Pentecôte a lieu la communion solennelle de son neveu Gilbert, l’occasion de belles retrouvailles. Pour autant il n’a pu coucher dans un lit normal pendant plusieurs jours, se réveillant en sursaut en pleine nuit… S’il refusait à nous parler de ce qu’il avait vécu, nous avons toujours senti qu’il a été très marqué. Il savait que l’homme est capable du pire comme du meilleur, il a œuvré toute sa vie durant à ne retenir que le meilleur. Aujourd’hui encore, nous nous posons la question de savoir comment il a survécu à cet enfer. Il avait appris la valeur de l’amitié et de la solidarité ; il a été très actif jusqu’à sa mort au sein de l’association « ceux de Rawa-Ruska » où il y retrouvait ses frères de captivité. Cette association avait vu le jour au sein même du camp de Rawa-Ruska sous la forme d’une amicale des prisonniers de Lyon et de sa région. Cette association a aujourd’hui une portée nationale et ses membres sont soucieux de pouvoir témoigner et entretenir le souvenir de ceux mort en déportation, ou en captivité. 

En 2016, avec ma sœur Françoise et son fils Guillaume, nous avons fait le voyage commémoratif organisé par l’association. Nous avons eu un accueil très chaleureux de la part des habitants de Rawa-Ruska. Nous avons pu visiter le camp accompagné d’un ancien prisonnier. Ses premiers mots, ironiques bien sûr, ont été : « on voit qu’il n’y a plus de prisonniers, l’herbe a repoussé ! ». Moment très émouvant de se retrouver dans cet endroit tellement chargé, un lieu de recueillement pour ne pas oublier. 

 
 
L’entrée du camp de Rawa-Ruska en 2016

 

 
 
Dépôt  de gerbes au cours de la cérémonie officielle en 2016

Cette année le voyage de commémoration a été annulé à cause de la guerre, hélas l’histoire se répète...

L’association nationale « ceux de Rawa Ruska et leurs descendants » a pour emblème des mains qui brisent une chaîne pour symboliser le refus de l’asservissement, surmontée de la colombe de la paix

 
 
NI HAINE, Ni OUBLI

Merci à Alphonsine Forest, sa fille, qui nous a transmis ce magnifique témoignage.
Plus d'informations :
http://www.rawa-ruska-union-nationale.fr

 
 
 

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