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Le patois de Ranchal
à travers les oeuvres de l'abbé Lucien Lacroix
L’abbé
Lucien Lacroix est né à Ranchal le 21 avril 1852 (à 5 heures de Louis Lacroix et Jeanne Marie Fontenille, acte en Mairie établi par François Gonnet, Maire). Ordonné prètre le 10 juin 1876 à l'age de 24 ans, il devient pendant un an professeur de Français au collège des minimes dans le quartier de Fourvière à Lyon et est ensuite nommé vicaire à Vougy (Roanne), c'est là qu'il va s'éteindre et sera inumé à seulement 32 ans le 5 septembre 1884.
Il est l’auteur de nombreuses
chansons, poésies, fables, pièces et récits en patois (Langue usuelle à l'époque) qui connurent un
grand succès à son époque. Ils sont pour la plupart malheureusement
perdus, « Ranchal, village vert » aimerait grâce à l’aide de
tous devenir le support d’un recueil de ses œuvres. L’abbé a
indéniablement un point commun avec tous les visiteurs du site
« Ranchal, village vert » : son amour pour notre
village. Dans chacun de ses écrits, il dépeint ses contemporains et le
petit coin de terre ou il est né avec amour, passion mais aussi avec
originalité.
Son œuvre majeure reste «Le Noël de Ranchal » mais il écrivit d’autres chansons comme «Les
crêts de Ranchal ». Il est également l’auteur de plusieurs fables
imitant le style de Jean de La Fontaine comme « Le loup et le
chien » et « L’hirondelle et les petits oiseaux ». (Les
œuvres citées sont dans nos archives et figureront bientôt en patois
sur cette page.)
Les linguistes estiment que sur
les six mille langues parlées aujourd'hui dans le monde, il n'en
restera que trois mille dans un siècle. Pour
la postérité de ce dialecte qui fait désormais partie de notre
histoire, vous trouverez ici les écrits en patois de Lucien Lacroix et
(parfois) la traduction en Français. J’espère que, comme moi, lors de
vos lectures, vous aurez le plaisir de voir défiler avec nostalgie les
images de personnes aimées qui vous parlaient autrefois dans cette
langue disparue.
Le Noël de Ranchal
Le « Noël de Ranchal » est une chanson composée à
la fin du XIX ème siècle par Lucien Lacroix alors qu’il était encore un
jeune abbé. On la trouvait également sous le titre « Le Bon Dieu
de Ranchal » ou « Le Noël des Rousselles » et c’est
certainement la plus connue de ses œuvres. Elle a été publiée dans
« l’almanach de 1909 ». On y retrouve de nombreux noms de lieux-dits (La rousselle : photo de haut de page. Egalement Forniaud,
Les Fayes, La Bûche, Les Trembles, Chez Peloux, La Télire, La Luire, La
Verpillére) et de non moins nombreux noms de famille (Gonnet, Thian,
Mafian, Macheunes, Thivent, Fusi, Ballaguy, Le curé Vacheron, L'abbé
Roche). Noël était sans aucun doute la fête la plus importante dans
nos campagnes car tous (ou presque) étaient de fervents catholiques. Il
n’était pas si rare déjà au XVIIème et au XVIIIème siècles d’écrire des
chansons narrant le défilé devant la crèche des habitants d’un village
chargés de cadeaux.
LE NOÏE DE RINTCHA
1
Y'a de breu pé la Rosselle
Quié neuvelle ?
Miné ne fait que sonnô
Dz'intins tseufflô la Thérèse
Et la Blaise ;
Le bos d'Aize a retiendrô.
2
N'y ni leune, ni étanle,
Ni tsiendanle
Que lieu su le dressous.
Père, éti-veus dins les pannes
Que survannent
A mimé tint de ciardou ?
3
Hardi ! y a quaque tsouze,
Sapredouze !
Quiès éluide su Fornio !
Crédi, qui que vô barboilli ?
Veus m'innoyi,
Imbécile, qu'a révo ?
4
Dzanne à Yaudan, Dzanne à Yaudan.
Levi veus dan !
Un mérakieu est arrévo !
Su neton pommi sarvadze,
Dins los nuadzes,
Dz'intins los andzes tsintô.
5
Serait-y le grind mérakieu
De l'orakieu
Que mon grind vayeu veni ?
Dze veus alleume mon ciardze
Sante Viardze,
Qu'a prieu devint meuri.
6
Gloria excelsis Déo
Corde Bono
Terra pax hominibus
Alleluia, alleluia !
Et hosanna
Quia natus est Christus.
7
Bonne né, monsieur los andzes,
Vetes loandzes !
Que vous avi de belles voix !
Mais que vetes tra sarvintes
S'rint contintes
Si vos li parli patois !
8
Neus apportans la neuvelle,
Tra kou belle.
Du Messie qu'est descindu !
Noïé ! Noïé ! plus de guiarre !
Paix su tare !
Gloire à Dieu li saye rindu.
9
Mais d'on dan qu'a vant de naître
Veton Maître ?
Nz'y voleu-veus inségnieu ?
Si fau passo l'Amérique
Ou l'Afrique.
Neu s'imbarquons tout nu pieu.
10
U véludze des Rosselles,
Seu les telles
De l'étrable à Ballaguy,
Yn'est pos. Seur, eune attrape.
Dins la crape
Vos le varra. Mdi-z'y.
11
Hardi ! prins tes artifailles,
Qua qu'y saye,
Thérèse et veus, Blaise, ari.
Dze prins ma tsemisolle,
D'z in sus folle ;
Betin neus teute à corri
12
La Yaudine, la parmire,
La Fuzire,
Et la Blaise par dari
Simblin un treupé d'fayoules
Que s'invoule
Seul os pans de vé Fuzi
13
Dre à l'étrable elles intrèrent ;
Elles veurent
Assi tiar qu'in plan dzeur,
Veurant dins les éragnires
Et les fudzires,
Dins la crape, le Sauveur.
14
Le solé, quint a tétaye
Su les Fayes
Dari le crêt des Arma,
Ou le sâ , quint a se cutse
Su la Butse,
N'éteu pos si biau que sa
15
La Sainte Viardze, sa mère,
Sin rin dère,
Le contimple à dzenoux ;
San Dzeuzé reste de poante,
Les mains dzouantes,
Dué grosses larmes à sos youx.
16
L'âne avui sa grosse tête
Fait la fète ;
Sa babete étsins sos pieu ;
De l'âtre couto la vatse
A l'atatse,
Roandze sus sos das qu'an fré.
17
Com'eune vatse que deube,
Teute leube,
La Blaise rest'dins un coan ;
Mais les lavres de la Dzanne
Et de l'âne
Brinléran tint qu'u matan.
18
Qint y seuran la neuvelle,
Pé la Rosselle,
Vé los Trimbles et tsi Peloux,
Vé les Fayes, à la Télire,
A la Luire,
Y appondéran de partout.
19
Su Fornio, la Varpeillire,
P'les zadzires
Et pé los pros à Thivin,
Vé fusi,pé le bos d'Aise,
Et vé Blaise,
Nos los vayan que corran.
20
Yportant teu quaque tsouze
Seu la blouse,
Ou ban dins lu devinti,
De pain, de Z'uès, de fromadzes,
De frutadzes,
Et d'âtres besognes avui.
21
La dame Gonnet qu'est ritze,
Que s'in fitse,
Apportit de bon fricot,
Avui ses teutes belles
Demoiselles,
Féron tsakeune lu cadot.
22
Le Mafian li fit de tape
Dins la crape
Avoui de pou de Treuqui ;
La Dzanne a Thian li fricasse
Dins la casse ;
Les Matseunes, un gros pâti.
23
Le reste de la pareutse,
L "abbé Reutse
Et le kieuro Vatseran
In processian venérent
Et tsintèrent
De z'Orémus teut insan.
24
Quint le diable su la fète
Qu'éteu faite,
A veni tindre son nô,
A cogni sa tête nare,
Pé mioux vare,
Seu la sablire d'intrô.
25
San Dzeuzé aue l'épieu faire,
Sins rin dère,
Li foutit su le musiau
Un si grind kou de valeupe,
Que le saleupe
A n'in breyit com'un viau.
26
Mais ses cornes l'ingolièrent,
Y le tuièrent
Sins qu'à poyesse sorti,
Et le sa, y l'intarèrent
Et tsintèrent
Teu le teur le tsibreli.
27
Noïé ! Noïé ! tint qu'à Paque,
Frère Dzaquieu !
Le Bon Dieu van d'épeuilli,
Tsibreli ! tint qu'à la fare,
Veni vare,
Le diable van de mauri. |
LE NOËL DE RANCHAL
1
Il y a du bruit à travers la Rousselle,
Quelle nouvelle ?
Minuit ne fait que sonner,
J'entends la Thérèse pousser des cris
Et la Blaise ;
Le bois d'Aise a résonné.
2
Il n'y a ni lune ni étoile,
Ni chandelle
Qui luit sur le dressoir
Père, êtes vous dans les peines
Que surviennent
A minuit tant de lumières ?
3
Hardi ! il y a quelque chose,
Sacré Dieu !
Quels éclairs sur Forniaud !
Crédieu, qu'est ce que vous marmonnez ?
Vous m'ennuyez,
Imbécile, qu'est-il arrivé ?
4
Jeanne du Claude, Jeanne du Claude
Levez vous donc !
Un miracle est arrivé !
Sur notre pommier sauvage,
Dans les nuages,
J'entends les anges chanter.
5
Serait-ce le grand miracle
De l'oracle
Que mon grand père voyait venir ?
Je vous allume mon cierge,
Sainte Vierge,
Qu'il priait avant de mourir.
6
Gloria excelsis Déo
Corde Bono
Terra pax hominibus
Alleluia, alleluia !
Et hosanna
Quia natus est Christus.
7
Bonne nuit, messieurs les anges,
Nous vous louons !
Que vous avez de belles voix !
Mais que vos trois servantes
Seraient contentes
Si vous leur parliez patois !
8
Nous apportons la nouvelle,
Trois fois belle,
Du Messie qui est descendu !
Noël ! Noël ! plus de guerre !
Paix sur terre !
Gloire à Dieu lui soit rendue.
9
Mais ou donc vient-il de naître
Votre Maître ?
Voulez-vous nous l'apprendre ?
S'il faut passer l'Amérique
Ou l'Afrique,
Nous nous embarquons tous pieds nus.
10
Dans le hameau des Rousselles
Sous les tuiles
De l'étable de Ballaguy,
Ce n'est pas, assurément, une attrape.
Dans la crèche,
Vous le verrez. Allez-y.
11
Hardi, prends tes affaires,
N'importe quoi.
Thérèse et vous, Blaise, aussi.
Je prends ma blouse,
J'en suis folle ;
Mettons nous toutes à courir.
12
La Claudine, la première,
La femme de Fusi,
Et la Blaise par derrière
Ressemblant à un troupeau de fées
Qui s'envole
Sous les pins de chez Fusi.
13
Droit à l'étable elles entrèrent ;
Elles virent
Aussi clair qu'en plein jour.
Elles virent toutes les toiles d'araignées
Et les fougères,
Dans la crèche, le Sauveur.
14
Le soleil, quand il montre sa tête
Sur les Fayes,
Derrière le crêt des Arma,
Ou le soir quand il se couche
Sur la Bûche.
N'était pas si beau que ça.
15
La Sainte Vierge, sa mère,
Sans rien dire,
Le contemple à genoux ;
Saint Joseph reste tout droit,
Les mains jointes,
Deux grosses larmes à ses yeux.
16
L'âne avec sa grosse tête
Fait la fête ;
Sa babine réchauffe ses pieds ;
De l'autre coté la vache,
Attachée,
Rumine sur ses doigts qui ont froid.
17
Comme une vache qui rumine,
Toute gourde
La Blaise reste dans un coin ;
Mais les lèvres de la Jeanne
Et de l'âne
Brayèrent jusqu'au matin.
18
Quand ils surent la nouvelle,
A travers les Rousselles,
Du coté des Trembles et chez Peloux,
Du coté des Fayes, à la Tuillère,
A la Luire,
Ils se rassemblèrent de partout.
19
Sur Forniaud, la Verpillère,
A travers les jachère,
Et à travers les près de Thivent,
Du coté de Fusi, à travers le bois d'Aise
Et du coté de Blaise,
Nous les voyons qui accourent.
20
Ils portent tous quelque chose
Sous la blouse
Ou bien dans leur tablier,
Du pain, des œufs, des fromages,
Des fruits,
Et d'autres choses utiles avec.
21
La dame Gonnet qui est riche,
Qui s'en fiche,
Apporta du bon fricot,
Avec ses toutes belles
Demoiselles ;
Elles firent chacune leur cadeau
22
Le Mafian lui fit de grosses galettes
Dans la crèche,
Avec de la bouillie de farine de maïs ;
La Jeanne de Thian lui fait une fricassée
Dans la poêle ;
Les Macheunes, un gros pâté.
23
Le reste de la paroisse,
L'abbé Roche
Et le curé Vacheron
Vinrent en procession
Et chantèrent
Des Oremus tous ensemble.
24
Quand le diable su la fête
Qui était faite,
Il vint tendre son nez,
Il cogna sa tête noire,
Pour mieux voir,
Sous la sablière d'entrée.
25
Saint Joseph qui le regardait faire,
Sans rien dire,
Lui ficha sur le museau
Un si grand coup de varlope,
Que le salop,
En beugla comme un veau.
26
Mais ses cornes l'embarrassèrent,
Ils le tuèrent
Sans qu'il pu sortir,
Et le soir, ils l'enterrèrent,
Et chantèrent
Tout autour le chibreli
27
Noël ! Noël ! jusqu'à Pâques,
Frère Jacques !
Le Bon Dieu vient de naître
Chibreli ! jusqu'à la foire,
Venez voir,
Le diable vient de mourir. |
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"Le
loup et le tchan" de l'Abbé Lacroix pourrait être qualifié de plagia de
la fable de La Fontaine "Le loup et le chien". Ce qui n'est pas un bien
grand crime puisque il est assumé et que La Fontaine lui même s'était inspiré de la fable du
fabuliste grecque Esope écrite au sixième siècle avant Jésus Christ.
L'Abbé s'était certainement lancé dans la traduction de cette fable
renommée mais il n'a pas pu s'empêcher de la personnaliser au passage.
Il y fait référence à l'hiver et à la grande famine de 1709 dont le
souvenir était apparemment bien vif dans la région deux cents ans plus
tard. Il ne peut pas s'empêcher d'y rajouter un peu de prosélytisme
catholique : Le loup, héros de l'histoire, est croyant, baptisé et
pratiquant puisqu'il se rend à confesse lorsqu'il croise le chien.
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Le loup et le tchan
L'hivar de dix sept cent nou,
Tint fut londge la quiéran-mo,
Qu'un loup maigre comme un chliou
Fut près de reniyo la foi de son baptan-me
Et de se passo Toutou
A rincontrit sur sa route
In allint se confesso,
Un tchan, protestant sans doute,
Que n'avent guière djeuno,
Couandhie, brillint, gras comme un mouan-ne.
Si ne manquesse que la faim,
Maître loup çartainemint
L'ère plaço comme oune fouan-ne ;
Mé le besoan ne fait pos tout,
Et le dogue aveut l'ar d'un robouste matou.
In loup danc que saveut vivre,
a l'aborde polimint
Banze et lu fait banzie le livre
A la padge numéro cint,
Le compliminte sur sa méno,
Sa carroure et se n'imbonpoant.
"I ne tandra qu'à veus, l'i répondit le tchan,
D'avà ma graisse et ma quiusène ;
Lassiz veton matier d'armite et de bindit,
Vos vetia maigre comme un pi.
Abindonniz los bos ; la viande z'y est trop chère,
Et le djeune trop sévère ;
Ve s'in troverez bien. Y est preu det; suiviz-me,
Dje vos méno vé mon métre.
- Ah ban voua; mais, Jeanfenètre !
Faudra-t-i bien travaille ?
-Presque rien; et bien paye !
Meudre la quieulotte in gueuneille,
Flatto la canne et l'habit fan,
Frisie la queue, frisie l'oreille ;
Avouin cin, de quiéran-me poant,
Mindgeaille de pole, mindgeaille de pandgean,
Caresses de tote façan".
Le loup, in l'acotint, sint son ziou qu'essanguete.
A s'essuyeut la babete,
Quint a vit tot à coup le keu du tchan pelo :
"Milles excuses, Monsieu ! Bintôt que vos se rasiz ?
- Mé que nan ! - Mé que si. - Dje ne fais, - Vos le fâsiz,
Ou ban ve s'été affolo.
- Cin n'est rin, just eune tatche,
Que m'era fait mo n'étatche.
- Vote n'étatche, dit le loup,
Que torne brede su le coup,
Nos ne vait pos d'on que nos vout !
Salut bien ! Dj' aime mioux vivre
Poure diable in libarté
Que prance en captivité.
Adieu !" Mon loup se sove. Essayiz de le suivre. |
Le loup et le chien
L'hiver de 1709 (Allusion à la famine de 1709)
Tant fut long le carême.
Qu'un loup maigre comme un clou
Fut prêt à renier la foi de son baptême
Et de se passer Toutou.
A rencontré sur sa route
En allant se confesser
Un chien, protestant sans doute,
Qu'il n'avait guère déjeuné,
Lisse, brillant, gras comme un moine.
Il ne lui manquait que la faim,
Maître loup, certainement
l'aurait traité comme une fouine ;
Mais le besoin ne fait pas tout,
Et le dogue avait l'air d'un robuste matou.
Un loup donc qui savait vivre
L'aborda poliment
baise et lui fit baiser le livre
A la page numéro cent,
Le compliment sur sa mine,
Sa carrure et son embonpoint.
"Il ne tiendrait qu'à vous", lui répondit le chien,
D'avoir ma graisse et ma cuisine ;
Laissez votre métier d'ermite et de bandit,
Vous êtes maigre comme une pie.
Abandonnez les bois; la viande y est trop chère,
Et le jeûne trop sévère ;
Vous vous en trouverez bien. C'est près d'ici; suivez moi,
Je vous emmène chez mon maître.
- Ah bien oui; mais, Jeanfenètre !
Faudra-t-il bien travailler ?
- Presque rien; et bien payé ! ...
Mordre la culotte en guenille,
Flatter la canne et l'habit fin,
Friser la queue, friser l'oreille ;
Avec ça, de carême point,
Manger de la poule, manger du pigeon,
Caresses de toute façon."
Le loup, en l'écoutant, sent son oeil qui s'enflamme de désir.
Il s'essuyât la bouche,
Quand il vu tout à coup le cou du chien pelée :
"Milles excuses, Monsieur ! Vous vous êtes rasé dernièrement ?
- Mais que non ! - Mais que si. - Je ne le fais pas, - Vous le faites,
Ou bien vous vous êtes fait mal.
- Ce n'est rien, juste une tache
Que m'aura fait mon attache.
- Votre attache, dit le loup,
Qui tourne bride sur le coup,
Nous n'allons pas ou nous voulons !
Salut bien ! J'aime mieux vivre
Pauvre diable en liberté
Que prince en captivité.
Adieu ! " Mon loup se sauve. Essayez de le suivre. |
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La grâle et le reno |
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La grâle et le reno
Eune grâle d’Ecorbin
In gardint la tsàsire
De la màre Catheline
Aveut gàgne sa djornin
Qu’elle teneut bravemint
Dins sa betche.
Un vieux reno qu’aveut faim
A pian de tchâsse (1), doucemint
Se n’appretche.
« Hé là-haut, bien le bondjeur,
Grind Dame de la Grâle…
Dje pinse iquié que veton mâle
A, bien seur,
Trop de bonheur,
In vô fasint la quiusène.
Patte fène…
Grinde quoueu,
Zioux de fouen.
Si vete voix est assi bonne
Qu’est djoille vete parsonne
Veto paré n’est p’inqueu couât. »
-Dje crâs que vouâ, (2)
Répondit la grind’ crenioule.
Le fromadge dégringoule
Et l’ôtre eut ban vite dé
Son benedicite.
Tos los disous de beurnettes,
Los martchinds de complimints,
Ne fint guière d’ômelettes
Qu’avoui los ués des in-nocints. (3) |
Le corbeau et le renard
Un corbeau des Ecorbans
Regardant la fromagère
De la mère Catheline
Avait gagné sa journée
Qu’il tenait bravement
Dans son bec.
Un vieux renard qui avait faim
A pied de bas, doucement
S’approche.
« Hé là-haut, bien le bonjour
Grande Dame du corbeau
Je pense que votre mâle
A, bien sûr,
Trop de bonheur
En vous faisant la cuisine.
Patte fine…
Grande queue
Yeux de fouine,
Si votre voix est aussi bonne
Qu’est jolie votre personne
Votre pareille n’est pas encore cuite. »
- Je crois que oui
Répondit le grand corbeau.
Le fromage dégringole
Et l’autre eut vite dit
Son benedicite.
Les diseurs de boniments
Les marchands de compliments
Ne font guère d’omelettes
Qu’avec les œufs des innocents. |
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1-Marchant sans bruit comme lorsqu’on a des bas aux pieds
2- Admirez ici l’harmonie imitative. Le nom de grâle est déjà remarquable à ce point de vue, mais ici on croit voir ouvrir le large bec, on entend le croassement du corbeau.
3-La Fontaine avait dit « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » Notre fabuliste ranchalais n’est-il pas plus pittoresque en donnant la même leçon ? |
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